success story
Fondation Phosboucraâ

Dans le sel de la terre de Laâyoune, la fertilité du développement

Impliquer le petit agriculteur dans les stades amont de la chaîne pour mieux le sensibiliser aux enjeux de la gestion durable des sols.
C’est l’approche novatrice adoptée par la Fondation Phosboucraâ pour faciliter l’adhésion, et enclencher, in fine, le changement de paradigme en faveur d’une agriculture plus productive, vecteur de développement. Reportage à Foum El Oued.

sous un ciel clair tempéré par une douce brise océanique, Mohamed S., visage détendu, laisse errer son regard sur les 23 hectares de son exploitation, située à l’ouest du Canal rouge, le fleuve Sakia El Hamra, à quelques bornes de Laâyoune. Avec une superficie occupée presque exclusivement de maïs et de luzerne, ce fellah fait cavalier seul dans le coin. Entouré de près d’une cinquantaine d’autres exploitations, il est l’un des rares fournisseurs d’aliments de bétail à Foum El Oued, une commune dont le système de production est pourtant orienté élevage. “J’ai la chance de cultiver une terre peu saline. Autrement, les cultures céréalières de type maïs ainsi que les légumineuses n’y résisteraient pas”, précise l’exploitant en chassant, d’un revers de main quelques mouches autour de lui. Ici, à Foum El Oued (Région Laâyoune — Sakia El Hamra), la fertilité des sols est un sacré casse-tête pour les agriculteurs locaux en raison de la salinité élevée des domaines agricoles. “La surexploitation des cultures dernièrement fait que davantage d’eau est pompée, ce qui se traduit par une accumulation des salins au niveau des sols”, explique Abderrahmane Lyamani, directeur du programme agriculture et environnement de la Fondation Phosboucraâ. En effet, les sollicitations répétées des sols finissent à terme par altérer leur composition minérale, et ruinent par voie de conséquence les récoltes. Ce qui se traduit, in fine, par la contraction des revenus de la population agricole locale. Mais ce n’est pas pour autant peine perdue pour les locaux. À la surexploitation des surfaces agricoles, la Fondation Phosboucraâ, principal moteur de la responsabilité sociale de Phosboucraâ S.A, a élaboré une approche novatrice dans l’optique d’améliorer les revenus des petits agriculteurs du périmètre irrigué de Foum El Oued, en levant les contraintes d’origines naturelles et techniques qui affectent négativement la productivité. L’organisme créé en 2014 a pour vocation de porter l’engagement social du Groupe OCP via des actions concrètes et répondre aux défis des populations locales dans les trois régions du sud du Royaume : Guelmim-Oued Noun, Laâyoune, Sakia El Hamra ainsi que Dakhla-Oued Eddahab. Après une phase de diagnostic amorcée en 2014, le constat dressé est alarmant : la cartographie des sols montre que la plupart des agriculteurs se situent dans un périmètre dont la salinité est comprise entre 4 et 16 grammes par litre d’eau. “La commune n’a d’autre choix que de s’orienter vers de nouvelles cultures”, alerte Abderrahmane Lyamani. Pour donner un ordre d’idée, le maïs, par exemple, ne tolère guère une salinité supérieure à 4 grammes par litre. La Fondation Phosboucraâ adopte alors un plan d’action obéissant à un schéma participatif et qui consiste à impliquer le fellah dès les stades amont de la chaîne. Le fait de mêler l’agriculteur dans la composante R&D facilite l’adhésion, et devrait enclencher le changement de paradigme tant convoité par le Plan Maroc Vert, en faveur de cultures plus productives — eu égard à la prédominance des cultures céréalières 50% des SAU (surfaces agricoles utiles). “Au départ les agriculteurs minimisaient l’ampleur de leurs modes de production”, confie le directeur du programme agriculture et environnement de la fondation Phosboucraâ. Mais après des séances de formation et moult échanges avec les experts agronomes, une prise de conscience collective gagne peu à peu le terrain. Au point que ces solutions alternatives sont aujourd’hui revendiquées par les éleveurs eux-mêmes. “Il est clair que nous ne pouvons plus continuer à exploiter nos territoires de la même manière qu’avant”, relève un jeune agriculteur ayant bénéficié récemment de la formation. 

De l’arganier à
Laâyoune !

D’où la nécessité de s’orienter vers des cultures plus résilientes aux spécificités minérales locales. Et c’est justement pour venir en aide aux agriculteurs du périmètre de Foum El Oued, condamnés en tout état de cause à changer de cultures, que la Fondation Phosboucraâ développe depuis 2015 son projet agricole intégré, en étroite collaboration avec la tutelle et la Coopérative Halib Sakia El Hamra, ainsi qu’avec le soutien de l’Institut National de la Recherche et d’Agronomie (INRA), de l’International Center for Biosaline Agriculture (ICBA) et l’International Youth Foundation (IYF).

Station de dessalement desservant
gratuitement de l'eau aux habitants de la
cimmune de Foum El Oued

Le programme fédère l’ensemble des exploitations de la commune, autour de ce qui peut s’apparenter à un grand laboratoire d’essai à ciel ouvert. Dans ce sens, une phase d’expérimentation à grande échelle visait à introduire de nouvelles espèces en vue de tester leur aptitude à s’acclimater à la salinité propre à cette région du sud du royaume. Sur place, la station R&D pilotée par l’INRA teste depuis quatre ans la tolérance des 19 espèces introduites de l’étranger. Au bout du compte, six d’entre elles s’avèrent génétiquement tolérantes. Initialement, l’enjeu était de trouver des alternatives aux besoins de pâturage. Dans la liste des plantes alternatives utilisées pour la récupération des terrains salins et comme fourrage, figurent la “sesbania”, ou encore la “Blue Panicum”, espèces adaptées au climat tropical sec pouvant également servir de pâturage. D’autres espèces ont été retenues pour leur fort impact socio-économique. C’est le cas du quinoa, dont le rendement s’avère après coup très élevé dans la région en particulier. Le potentiel prometteur de cette plante cultivée pour l’arganier, avec les retombées économiques importantes que cela implique pour les populations locales.

“L’arganier peut très bien être la solution à cette région à long terme”, fait valoir le directeur du programme agriculture et environnement de la Fondation Phosboucraâ. Le centre d’expérimentation grandeur nature de Foum El Oued s’appuie sur un laboratoire d’analyses dédié à la production de données scientifiques sur l’état du sol et de l’eau. Inauguré courant 2017 par la Fondation Phosboucraâ, en partenariat avec l’INRA et l’ICBA, il fournit aux agriculteurs des trois régions du sud les informations nécessaires pour les aider à adopter une fertilisation raisonnée des cultures. Mais il n’y a pas que la composante R&D qui compte aux yeux de la Fondation. Au-delà des modes de culture, il y a lieu de noter les efforts consentis en matière d’irrigation. Dans une région où la pluviométrie est peu abondante et aléatoire, et où les précipitations se concentrent entre novembre et février, avec plus de 80% du total pluviométrique, l’introduction de systèmes d’irrigation goutte à goutte a permis de répondre au défi de la rareté des ressources hydriques.

L'action sociale, et notamment l'education, fait aussi partie des axes stratégiques de la Fandation Phosboucraâ
Des projets
à haute portée
socio-économique

Ce n’est pas non plus par pur hasard que la commune de Foum El Oued est résolument portée sur la recherche. Cette ambition s’inscrit préalablement dans la vision globale de l’OCP. Foum El Oued a pour principale vocation d’être une ville du savoir. Une ville qui invente, crée, innove, mais aussi une ville dans laquelle l’intelligence est mise au service de la création des conditions qui assurent le bien-être des citoyens. C’est tout l’objet de la Technopole Foum El Oued (voir encadré), qui accueillera à Laâyoune l’un des plus importants centres de recherche de l’Université Mohammed VI Polytechnique de Benguérir. Le centre abrite trois unités de recherche dans la biotechnologie, l’eau, l’environnement et les énergies renouve l a b le s . D e s fe r m e s expérimentales dédiées à la recherche agronomique sont également prévues. Et le champ d’intervention de la Fondation Phosboucraâ ne se cantonne pas à la recherche et l’accompagnement technique pour la gestion durable des sols. Consciente de la réalité locale, la Fondation a ainsi inscrit le volet social et solidaire parmi ses axes majeurs de développement. Plusieurs projets ont été mis en œuvre dans une logique d’accompagnement des acteurs locaux et des communautés qui s’activent dans le secteur primaire. C’est ainsi que deux crèches de la commune de Foum El Oued ont été réhabilitées, bénéficiant à 120 enfants. “L’éducation s’érige en priorité pour la Fondation, compte tenu de l’apport de l’éducation pour le développement des régions du sud”, témoigne Abderrahmane Lyamani. En ce sens, les programmes mis en place sont destinés à traduire sur le terrain les préoccupations des populations locales et reflètent les pistes de réflexion partagées au sein de la communauté de l’éducation des régions du sud. Autre bénéficiaire du projet de développement agricole Foum El Oued, la coopérative Halib Sakia El Hamra. Créée en 1996, elle est l’un des grands donneurs d’ordre de la région. D’abord de par son rôle socioéconomique, puisqu’il s’agit aujourd’hui d’un bassin d’emploi pour près de 1000 personnes (direct et indirect), mais aussi vu sa place dans la chaîne de distribution du lait frais. En l’état actuel, la coopérative produit jusqu’à 30 000 litres par jour contre 300 litres lors de son lancement. Grâce à un circuit de distribution bien rodé, Halib Sakia El Hamra dessert 5000 points de vente dans les 3 régions du sud. “Nous répondons à 60% de la demande de la région de Laâyoune, Sakia El Hamra et 20% pour chacune des deux régions, Guelmim-Oued Noun et Dakhla-Oued Eddahab”, affiche fièrement Dahan Soubai, le président de la coopérative. Des prouesses rendues possibles notamment grâce au soutien de la Fondation à hauteur de 13 millions de dirhams. Et la coopérative n’a pas encore atteint sa vitesse de croisière, puisqu’elle compte élargir sa gamme de produits dérivés et commercialiser prochainement des yaourts. Autant d’initiatives visant à favoriser un ancrage de nouvelles activités économiques génératrices de revenus, dans la lignée des orientations royales sur la nécessité de faire émerger une classe moyenne agricole et favoriser l’emploi dans le milieu rural.

La Technopole Foum El Oued à Laâyoune, hub de l’agriculture résiliente africaine
c’est quoi?

Après la Ville Verte Mohammed VI à Benguérir, le Pôle urbain de Mazagan à El Jadida, c’est au tour de la Technopole Foum El Oued à Laâyoune de bénéficier d’un investissement de 2 milliards de dirhams. Inauguré par le souverain en février 2016, la Technopole va s’étendre sur 600 hectares et va comporter un “Pôle d’Enseignement et de Recherche”, un “Pôle de Soutien au Développement Économique Régional”, un “Pôle Culturel” et des infrastructures sociales. Il se veut un hub du savoir aux portes de l’Afrique subsaharienne, drainant les meilleures compétences pour diffuser son savoir à la pointe de la technologie, et ainsi offrir des “smart knowledge services” à un marché africain et international en perpétuelle croissance. Doté d’un cadre naturel exceptionnel entre océan et désert, la Technopole est pensé pour mettre en valeur la richesse et la diversité des milieux et des paysages tout en étant résilient dans un territoire qui fait face aux changements climatiques, à la problématique de l’ensablement, à la rareté des ressources hydriques et à la forte influence des vents dominants. Pour faire face à ces défis, la Technopole Foum El Oued déploiera plusieurs systèmes intelligents, notamment, la gestion de l’arrosage smart, la gestion durable des déchets, et se penchera sur les enjeux de la mobilité verte, la gestion des bâtiments et logements ou encore la mise en place de modèle de Smart Farming.